Troisième défi: Ce jet lag qu’on nous cache

horloge-provence-lavande-1-diam-34-cmEt si on parlait du temps? Rassurez-vous, je ne vais pas ENCORE m’énerver contre le mistral! Non, c’est du temps qui passe dont je veux parler aujourd’hui. De l’horloge provençale. Des heures qui défilent au rythme du cri saoulant des cigales. A envisager de bâtir sa vie au pays de Pagnol et d’IAM, il y a une chose qu’on ne mesure pas, qu’on ne peut pas envisager. Du moins tant qu’on n’a pas défait ses cartons. Entre la vie parisienne et les jours provençaux, existe une chose dont il n’est fait mention dans aucun manuel de géographie, ni dans le moindre pensum scientifique. En vacances impossible de le deviner; on vit à son propre rythme en se moquant bien de celui des autochtones. Mais quand autochtone à son tour on devient, alors là, je vous l’assure, c’est une autre paire de manches! Jamais vous n’auriez pensé… au décalage horaire!

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Salon-de-Provence

Oui, oui, vous avez bien lu: entre le Nord et le Sud un pernicieux jet lag existe qui, selon la vie que vous meniez à la Capitale, peut avoir quelques déroutantes conséquences. Quand je vous dis «pernicieux» j’abuse à peine: lors de votre prochaine venue dans la région demandez donc à quelqu’un du cru l’heure qu’affiche sa montre. Avec son accent plus ou moins chantant, il vous donnera la même que celle qui s’annonce sur votre poignée. Et pourtant… Selon les moments de la journée, le sens que vous donnerez à ces chiffres-ci ne sera pas du tout le même, croyez-moi!

Pour mieux le comprendre, prenons un cas concret. Au hasard évidemment. Totalement au hasard. Celui d’un type qui compte un bon quart de siècle de vie parisienne au compteur. Journaliste de son état il a toujours travaillé derrière un bureau, du moins quand il n’était pas en interview, en reportage, en voyage de presse. Donc le voilà qui, d’un coup d’un seul, a tout quitté pour s’installer dans une petite ville de Provence.Ben oui, tant qu’à tout changer, autant que lui l’amoureux des mégapoles, lui qui depuis toujours ne fantasme que sur Paris, New York, San Francisco, Montréal ou Berlin, débarque dans une ville de 26000 habitants. Faut dire qu’il en avait marre des bouchons matin et soir, le gars. Marre de la foule sur les trottoirs et dans les compartiments du métro. Marre du prix des choses, du manque d’espace, du stress permanent. En arrivant, il a appris le calme, le silence, un nouveau rythme, les roses de son jardin. C’était en été, ça tombait bien. Il a aimé ça. Beaucoup, même. Ce n’est que l’automne venu que, comme la fourmi, il a commencé à sentir le changement. Radical, c’était voulu. Déstabilisant, il s’y attendait. Mais deux ou trois choses l’auront tout de même surpris. Et notamment ses habitudes horaires qu’il pensait ne jamais avoir à modifier. Au moins conserverait-il ces petits détails comme ultimes repères, imaginait-il… MORT de LOL!!!

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Aix-en-Provence

Avant de voir défiler sa journée type, une petite précision: notre exemple concret (en bâtissant sa nouvelle vie ici) a toujours eu pour projet de poursuivre ses activités journalistiques et littéraires. En un nouveau statut d’indépendant il entreprit donc d’entamer (ou de poursuivre) des collaborations avec quelques employeurs parisiens et d’autres qu’on dira «locaux».
Mais revenons à notre sujet. L’horloge, donc.
Longtemps notre homme s’est levé tard, du moins par rapport à l’immense majorité de ses congénères. A quoi peut-il donc bien servir d’arriver trop tôt à son bureau quand on ne peut joindre aucun service de presse ni journaliste sur la place de Paris avant 10h30/11 heures? Tout à son besoin de farniente, le néo-Provençal vit donc défiler sous ses yeux la promesse de longs cafés matinaux sur sa terrasse ensoleillée. Enfin il pourrait oublier les émanations des pots d’échappement de ce cher périphérique si longtemps fréquenté. Sauf qu’à se coller à ses mails à 11 heures, ici tu passes pour un cossard, mon gars. T’es pas à Paris, là. En nos contrées c’est vers 8 heures, 9 heures tout au plus, qu’on commence à bosser, mon bonhomme… A 11 heures, la check list de la journée est faite depuis longtemps; on en est à se demander ce qu’on va bouffer, vois-tu. Adieu les démarrages Diesel, mon chaton! A peine levé faut attaquer! La première partie de la matinée, tu la consacreras aux rédactions provençales déjà aux aguets. Puis, quand à 12 heures tous seront partis déjeuner, là tu pourras t’occuper des Parisiens. Sérieusement, vous avez déjà vu un Parigot partir déjeuner à 12 heures pile, vous? C’est tout juste si dans les brasseries les tables sont dressées, c’est dire… Non, là-bas on déjeune lorsqu’en Provence on en est au café, voire au digestif. En tout cas à la digestion!

Notre homme, donc, pour sa pause déj’, pensait mordicus garder son rythme ancien. 13h-15 heures, c’est bien. C’est parfait, même. Ca laisse le temps de quelques petites excursions à la plage, aux beaux jours… Oui, mais non ! Parce que, 13 heures, du coup c’est presque le moment où on se remet au boulot dans le coin, vois-tu. Ben oui, je te rappelle qu’on a mangé à midi pile, nous! Pas facile, hein, les jours où tu es invité à un déjeuner familial. A midi, toi, t’es forcément au taquet, en lien direct avec Paname. Une interview par téléphone. Un coup de fil urgent. Des mails à traiter fissa. Ces Parisiens, franchement, ça ne respecte rien; ça ne mange pas aux heures «normales»; c’est pas diététique… Du coup, toi, t’es obligé de suivre, bon gré mal gré. Adieu la soupe au pistou chez Belle-Maman. Et bonjour les sandwichs, les gâteaux secs, ou les jeûnes répétés. A ce rythme-là, la malbouffe devient vite ta meilleure amie. Déjà qu’avant…

L’avantage dans tout ça, c’est qu’à commencer leurs journées si tôt il n’y a plus de méridionaux à l’autre bout du mail à compter de 18 heures. Au moins la soirée arrive plus vite! Euh… Oui mais toujours non. C’est justement là que les Parisiens accélèrent. Sont au taquet à 18 heures, ces gens-là. Z‘ont raison, après tout: autant éviter l’affluence dans le métro et partir plus tard, faire tout ce qu’on n’a pas eu le temps de faire à 16 heures, quand on était sur Facebook. A cette heure, les mails c’est comme à Rolland Garros : c’est à celui qui renverra le plus vite. Faut pas faiblir, crois-moi!

19h-19h30. Tout le monde semblant enfin avoir déserté le bureau, notre hommehorloge-boite-de-sardines-a-balancier-delices-de-provence devenu spécialiste du grand écart chrono-géographique peut enfin envisager de se reposer. Et d’aller faire ses courses. Va bien falloir songer à se sustenter, à un moment, non? Allez hop, on file se ravitailler. Ah m… c’est déjà fermé? « Ben, tu te crois où, Chéri ? Je te l’ai déjà dit: on n’est pas à Paris ici mon gars! ».
Allez, demain je m’organise différemment. Surtout, je redeviens sérieux. Parce que, toute blague (ou toute exagération) mise à part, il est plutôt doux le jet lag provençal, en vrai. Suffit juste de prendre le rythme. Et de ne surtout pas oublier l’une des raisons principales qui nous ont fait venir jusqu’ici: S’ELOIGNER DU STRESS!!!! Pas toujours facile, certes. Mais la désintoxication, ça se tente. Et je vous assure : ça peut se gagner !


2 réflexions sur “Troisième défi: Ce jet lag qu’on nous cache

  1. Merci, merci. Tu me redonnes l’envie de relire mes « Pagnol » délaissés sur l’étagère…du haut !
    Prends soin de toi
    Valérie

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