Deuxième défi : Dompter le vent contraire

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Plage Napoléon, Port-Saint-Louis-du-Rhône

C’est décidé, c’est donc ici que vous vivrez. Au moins vous n’aurez pas à subir la fameuse grisaille parisienne, son crachin, sa pluie diluvienne, son froid glacial certains hivers. Dans votre nouveau chez vous, ce sera beau temps toute l’année ou presque, de la douceur à défaut de chaleur, beaucoup de lumière. Les cigales viendront bercer vos journées ; travailler n’en deviendra que plus agréable. Oui, vous en êtes certain, vous l’avez vérifié maintes fois lors de vos vacances d’été ou au cours de vos week-ends prolongés au printemps de chaque année: ici la vie est forcément douce puisque le temps est clair, et calme, et sûr. Et puis, la mer n’est pas loin. Il y a les champs d’oliviers, la garrigue, les odeurs de thym, de romarin, de lavande… Le paradis en peu de mots! Bon, ok, il y aura bien quelques jours de pluie. Ils rafraichiront, ce sera chouette. Peut-être même, certains hivers, il tombera quelques flocons, rien de bien extravagant. Ce n’est pas dans ce coin que – comme cela vous est arrivé dans les rues de Montmartre il y a trois ou quatre ans – vous verrez des skieurs, des fans de luge, ou que vous ferez des glissades impromptues et grotesques en sortant de la boulangerie. Bref, le climat enfin vous sera favorable !

Ah, c’est vrai, il y a le mistral… C’est un peu pénible, il faut avouer. A vous obliger à modifier des journées entières de vos vacances. Pas de plage possible quand le vent souffle à 80, 90, 100 km/heure. Pas de balades dans la nature non plus, sans quoi la Camargue toute proche risquerait de vous renvoyer ses effluves de marais dans la g… Mais bon, ce sont les aléas du direct, ça. La faute à pas de chance, voilà tout. «L’année dernière, souviens-toi, on n’a pas eu un temps pareil!». Et puis, arrêtons de nous plaindre:le mistral, en vérité ça n’est pas un problème. «Il y en a forcément moins, hors saison, non ?», « On finit par s’habituer c’est pas vrai?»«De toute façon, quand on bosse qu’est-ce que ça peut bien faire s’il souffle fort?». Eh bien que les choses soient claires: à penser ces inepties vous vous fourrez le doigt dans l’œil, mes amis du Nord. Parce que, non, on ne s’habitue pas! Et qu’on travaille ou pas, on ne s’en fiche pas non plus!

Le mistral, c’est top quand c’est le nom d’un poète, celui d’une chanson ou d’un bonbon; c’est dépaysant dans les livres, dans les films ou les séries télé, tellement typique quand c’est l’appellation d’un bar ou d’un restaurant, celui d’une place ou d’une avenue. C’est tout. C’est absolument tout! Rendons-nous à l’évidence: le mistral, ici, c’est tout juste bon pour les véliplanchistes qui n’ont pas trouvé la route vers Biarritz. Ou pour les touristes qui veulent s’acheter du rêve, un goût d’ailleurs. Parce que pour le reste… C’est simple: on a beau être habitué depuis sa naissance à ce fucking mistral, on devra composer avec, user d’une patience folle, apprendre à maîtriser ses nerfs face à sa fâcheuse manie de revenir si souvent. Ce n’est pas un expatrié cuvée 2014 qui vous dira le contraire. Face à lui, la zénitude, connais pas!

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Pour la petite histoire il se dit ici que le mistral est toujours multiple de trois: en clair, il ne souffle jamais moins de trois jours, et s’il survit au quatrième alors c’est qu’il soufflera au total pendant six longues, très longues journées. Ou neuf. Ou douze. Ou quinze. Je tiens à rester convenable, aussi ne m’en voulez pas si j’arrête là ce décompte. Quinze, c’est déjà ENORME !!! Parce que quinze jours à voir le vent souffler sans jamais pouvoir ouvrir ses fenêtres, sans vous permettre de marcher tranquillement dans la rue (je veux dire de façon stable), quinze jours à récupérer dans votre jardin les poubelles de vos voisins, à faire la course à votre linge qui séchait dehors sur son fil mais que les pinces n’ont pas pu tenir, franchement -je vous assure- ça use les nerfs. D’ailleurs, les plus anciens, les autochtones purs et durs, l’affirment: «Le mistral rend fou!». Eh bien ils ont raison! Obligés de ranger les tongs et d’oublier l’apéro dans le jardin! Non, mais vous vous rendez compte? Il y en a qui se plaignent pour moins que ça…

Parce que, oui, mistral rime souvent avec fraîcheur.  C’est scientifiquement vérifié: pour une force de 10 km/heure le satané vent nous retire chaque fois, côté température, un gros degré de ressenti. Sortez vos calculettes: s’il souffle à 110 un jour où il fait 20° (vous savez, ces 20° que vous nous enviez quand à Paris il y fait encore 13°…), et bien c’est que vous aurez à endurer l’impression d’un frisquet 9° (alors, toujours jaloux, les Parigots?). De quoi mettre à mal les projets piscine ou les soirées barbecue pendant 3, 6, 9, 12 jours (ou plus donc!). Et de quoi sérieusement relativiser les annonces fanfaronnes des Miss Météo qui chaque soir à la télé vous font saliver avec leurs prévisions vite faites bien faites:«Les températures seront très douces demain sur tout le bassin méditerranéen, avec une moyenne de 25°. Prudence tout de même: le catherine-laborde-meteo-de-20h-16-08-15-01mistral, quant à lui, soufflera à plus de 120 km/heure». Ben t’as raison, ma Françoise: y a intérêt à être prudent et à sortir la petite laine. Parce qu’on a beau être en juin, le soleil peut bien flamber et l’indice UV péter les plafonds, sans avoir l’air de t’en apercevoir tu es en train de nous dire que nos soit disant 25° vont se transformer en un petit 13° qui nous rappellera fin octobre-début novembre! Pendant ce temps, les Parisiens et leurs 20 ou 21° TTC se délasseront en terrasse, les veinards… Et vous, qui avez préféré les quitter en pensant connaître une météo plus clémente, vous ragerez. On vous aurait trompé? On joue avec vos nerfs? On vous cherche? On va vous trouver!

En mai dernier, après trois semaines de mistral ininterrompu, un soir de grande nervosité, à force de devoir vivre fenêtres fermées comme un reclus, excédé d’avoir dû à plusieurs reprises remiser dans le congélo saucisses et brochettes (puisqu’ambitionner d’allumer un barbecue revenait à vous transformer en un dangereux pyromane), le Parisien a prévenu ses proches: «Si demain le vent souffle encore, soit je tue l’un d’entre vous, soit je fais mes valises et je prends le premier train pour Paris! » La solution choisie? J’ai hésité toute la soirée. J’avais déjà ma petite idée, c’est vrai. Mais le matin est arrivé. Grand soleil. 26° au bas mot. Et pas la moindre petite brise. Du coup, j’avoue, j’ai fait la bise à tout le monde. J’ai laissé mes valises dans le placard, mes vêtements dans l’armoire. J’ai enfilé mes tongs, ressorti les saucisses du congel’. «Allez, prépare les frites. On se fait une plage cet après-midi ? Mes valises? Mais quelles valises?…».


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